Jean-François Bayart: du national-libéralisme – Page 4 | Mediapart

Weber parlait de cette « carapace dure comme l’acier » dans laquelle nous vivons désormais. Nombre d’auteurs l’ont établi dans sa foulée : le capitalisme, ce n’est pas l’économie de marché ; c’est l’économie de marché + l’État. D’où, je le répète, la pertinence du concept de national-libéralisme, plutôt que celui de néolibéralisme, qui prend pour argent comptant l’idéologie et le vocabulaire du régime contemporain de domination.

Un discours politique qui porterait sur la critique effective de ce mode de gestion et d’assujettissement national-libéral, et qui entendrait réhabiliter la dignité des métiers, ne resterait pas sans écho et répondrait à une vraie rationalité économique. En outre, on comprend mal pourquoi la recherche, l’enseignement supérieur, la culture sont soumis aux mêmes règles financières que l’entreprise, alors que, de toute évidence, leur rationalité ne peut pas être celle de la rentabilité financière, sauf à tourner le dos à leur raison d’être et à l’apport qu’elles font à la création de la richesse nationale dans le long terme. Nous sommes là dans l’idéologie pure, sinon dans le messianisme. Et la politique de Geneviève Fioraso s’inscrit dans la droite ligne de celle de Valérie Pécresse et du projet d’« autonomie des Universités » de Nicolas Sarkozy, l’injure en moins.

Revenons-en au gouvernement…

Il suffit d’avoir écouté les déclarations du nouveau gouvernement Valls depuis une semaine pour savoir que de sortie du national-libéralisme, il n’est décidément pas question. Social-traîtrise ? Non, plutôt une paresse mentale, une forme d’hallucination collective qui dépassent de loin les personnalités ou les choix des seuls François Hollande et Manuel Valls. La gauche (et une bonne partie de la droite) ont perdu la bataille des idées dans les années 1970-1980 et, faute d’être-en-capacité (pour reprendre une formule chère aux socialistes) de penser autrement, répètent les fadaises du national-libéralisme : « réforme », droits « individuels » plutôt que « collectifs », « transparence », sortir d’une société de « statuts », toute cette bouillie pour chats dont le seul énoncé vous frappe de découragement et vous donne la certitude que du bord de la falaise nous faisons un grand pas en avant.

Manuel Valls, le 22 juillet à Madrid.Manuel Valls, le 22 juillet à Madrid. © Reuters

Deux exemples, parmi d’autres possibles, de cette pensée molle, ou plutôt de cette non-pensée. En premier lieu, Emmanuel Macron s’en prend aux « statuts ». Mais de quoi parle-t-il ? Discours de gauche, qui vise la société de caste française, son côté dynastique, dont l’anthropologue Marc Abeles a montré, dans Jours tranquilles en 89 (Odile Jacob, 1989), qu’il filtre de manière censitaire le suffrage universel dans nos départements, et dont la reproduction transgénérationnelle des familles est constitutive de la domination politique à l’échelle nationale, tant à l’UMP (le lignage Baroin, par exemple) qu’au Front national (la famille Le Pen) et qu’au… PS (la lignée Touraine) – une reproduction qui n’épargne pas l’enseignement supérieur, la recherche, les médias ? Mythe mobilisateur, qui entend libérer la formidable énergie sociale, culturelle et économique des banlieues et de l’immigration, en butte à l’entre soi de la société des « héritiers », au contrôle policier, à la répression judiciaire et au chômage de masse qu’engendre le national-libéralisme ? Ou écot payé à la croyance néolibérale et au démantèlement de la protection sociale des plu

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