En guise de vœu de bonne année, ils ont lancé un cri : « Ya basta ! » Le 1er janvier 1994, des hommes et des femmes, sommairement armés, investissent sept villes et villages de l’État du Chiapas dont la capitale, San Cristobal de las Casas. Le « ça suffit ! » de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) surprend alors au-delà des seules frontières du Mexique. Sur le plan régional, les guérillas salvadorienne et nicaraguayenne ont en effet déposé les armes au terme de guerres civiles marquées par l’ingérence de Washington. Le Guatemala avance lui aussi sur le chemin de la paix. Pourtant, voilà dix ans que le mouvement insurgé se structure dans la clandestinité. Ce 1er janvier, la nation centraméricaine célèbre également l’entrée en vigueur de l’accord de zone de libre-échange (Alena) avec ses voisins du Nord, les États-Unis et le Canada, aux funestes conséquences sociales pour les Mexicains.
>>> Lire le reportage de notre correspondante au Mexique en 1994
Symboliquement, la rébellion indigène tient sa date. Elle qui fustige le néolibéralisme responsable de l’exclusion sociale de millions de Mexicains. Elle qui dénonce le sort des Indiens, ravalés au rang d’inférieurs, au sein d’un système social et politique corrompu, raciste et répressif. « Les dictateurs appliquent une guerre génocidaire non déclarée contre nos peuples, c’est pourquoi nous te demandons ta ferme participation en appuyant ce plan qui est celui du peuple mexicain qui lutte pour le travail, la terre, un toit, manger, la santé, l’éducation, l’indépendance, la liberté, la démocratie, la justice et la paix », avance en 1993 l’EZLN dans sa première déclaration de la forêt Lacandona. L’appel rencontre alors un écho planétaire, mettant à mal la fumeuse théorie de la fin de l’histoire et des idéologies. « C’est une démonstration de grande dignité que de rompre avec la plainte et le misérabilisme. Le soulèvement zapatiste montrait également qu’un autre mode de vie était possible et souhaitable. Pour tous ceux qui militent, le “Ya basta !” a constitué un formidable espoir. Les plus piétinés, les plus fragiles étaient capables de nous montrer un chemin », rappelle la journaliste et productrice Aline Pailler, également militante au sein de Grains de sable, un collectif de solidarité avec le Chiapas. Vingt ans plus tard, on peut même affirmer que cette région fut le berceau de l’altermondialisme et des futurs forums sociaux mondiaux.
Et pourtant, la guerre de basse intensité fait rage. Les pourparlers avec le gouvernement seront tumultueux et dureront deux ans jusqu’à la signature des accords de San Andres, le 16 février 1996, avec une loi sur la culture et les droits indiens. Faute de concrétisation de la part de l’État, l’autonomie revendiquée par les autochtones se fera sans lui avec la création de trente-huit communes. « Les accords ont été trahis par tous les partis politiques, y compris la gauche. Alors les zapatistes s’en sont détournés pour construire leur société, en articulant le mouvement révolutionnaire indigène au mouvement international. Sur le plan interne, ils réfléchissent sur les rapports hommes et femmes. Concernant le social, ils vont développer leur propre système de santé, d’éducation, de justice. Ils construisent, en s’interrogeant sur la façon de gouverner depuis le bas, en partant des plus humbles. Lentement, car la vraie démocratie prend du temps. Et à gauche parce que leur analyse est marxiste », explique la journaliste.
>>> Lire : Lourdes menaces sur les forêts du Chiapas
La forme de cette rébellion e
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