Produire du lait et de l’électricité
Il faut s’arrêter juste avant le centre de formation de l’automoto-école de la ZAC, et prendre un chemin de boue grise qui le borde. A main gauche, un no man’s land de bâtiments préfabriqués, d’asphalte râpé et d’herbes clairsemées. C’est dans ce lieu guilleret que l’on apprend à manier motos et poids lourds, avant de s’aventurer sur la route.
A main droite, 300 mètres plus loin, le vaste chantier de la Ferme des mille vaches. Un immense hangar posé sur des piliers en acier, sans murs encore, un petit bâtiment à l’entrée, un semblant de grue, deux bétonnières, quelques ouvriers de l’entreprise belge Vanbockrijck, spécialiste des « plaques de béton coulées pour les silos ».
L’objectif de cette usine en construction ? Produire du lait à un prix de revient très bas et transformer fumier et lisier des animaux en électricité au travers d’un gros méthaniseur.
Il en est plusieurs points de départ à cette stupéfiante affaire, mais le voyage en Allemagne préfigure de nombreux développements. Habitué aux mœurs du BTP – il en est un champion régional –, le promoteur Michel Ramery embarque le 14 avril 2011 une quarantaine de personnalités de la région. Par avion. Il y a là le maire socialiste d’Abbeville, Nicolas Dumont, des conseillers généraux, des maires, dont Henri Gauret, celui de Drucat, où pourrait être construit le méthaniseur. Gauret est d’une race si peu ordinaire que s’il accepte le voyage, il exige de le payer, ce que ne feront pas les autres.
Sur place, on leur fait visiter deux fermes modèles, avec méthaniseur bien sûr. Pas d’odeur, pas de malheur : tout a été soigneusement préparé.
Je me suis dit : « Pauvres bêtes ! »
Et puis plus rien. Mais un jour d’août 2011, Henri Gauret découvre avec stupéfaction qu’une enquête publique doit commencer le 22 août, alors que la moitié de la population est en vacances. Il dit à Reporterre :
« Vous comprenez, Drucat est un village résidentiel de 900 habitants. Des habitants d’Abbeville ou même d’Amiens ont fait construire ici pour le calme, la nature. Mes premiers contacts avec Michel Ramery, fin 2010, n’ont pas été mauvais, mais quand j’ai découvert cette histoire d’enquête publique, là, comme on dit, ça m’a drôlement interpellé. »
Et Gauret alerte la population du village par un courrier déposée dans la boîte à lettres, déclenchant une mobilisation générale.
Gilberte Wable s’en souvient comme si c’était hier :
« Cette histoire m’a mise en colère. Mon premier mot a été pour les vaches. Je me suis dit : “Pauvres bêtes !” Les enfermer à mille, dans un espace si petit qu’elles ne peuvent pas bouger leurs pattes, je ne pouvais pas supporter.
J’ai pris un papier, un stylo, et j’ai rédigé une première pétition que j’ai fait signer un soir à mon Amap. Tout le monde a signé, mais on n’était encore qu’un groupuscule.
Dans un deuxième temps, j’ai rallongé le texte, et on l’a fait circuler à Drucat, où près de 80% des adultes ont signé. Après, il y a eu la réunion publique. »
Un autre moment fondateur. Le 26 septembre, 200 personnes se pressent dans la salle polyvalente de Drucat, qui n’a pas l’habitude d’une telle foule. Ramery est là, en compagnie de Michel Welter, son chef de projet, et du sous-préfet. Henri Gauret, qui préside, s’inquiète fort de l’ambiance et regrette, aujourd’hui encore, certains mots employés contre Ramery par les opposants les plus chauds. Gilberte Wable reprend :
« La colère grondait ! On a demandé à Ramery
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