Dans la première partie de cet échange, François Hollande
comme Thomas Piketty portent un regard sévère, même si ce n'est pas exactement
le même, sur les évolutions des dix ou vingt dernières années.François Hollande fait ainsi observer qu'au cours des dix
dernières années, ce sont près de « 100 milliards d'euros » qui ont été perdus en baisse d'impôt, soit un
montant presque équivalent aux déficits publics. Ne portant aucune critique à
l'encontre de la politique fiscale suivie durant les années Jospin – ou
seulement de manière très elliptique –, il constate qu'à partir de 2002, on a
assisté à « une amplification pas seulement des baisses d'impôts
mais surtout des injustices fiscales »
puisque c'est la pression sur les plus hauts revenus qui a d'abord été allégée.
Ce qui justifie donc, selon lui, « une réforme globale ».Pour Thomas Piketty, le vrai diagnostic est différent :
en réalité, il n'y a pas eu de baisse globale des prélèvements obligatoires.
Dans ce contexte global de stabilité des prélèvements, on en a fait baisser
certains, tandis que d'autres ont été relevés. Et dans ce jeu de transfert, c'est
l'impôt sur le revenu qui a été sacrifié. « L'impôt sur le revenu est à
l'agonie », dit-il, faisant valoir qu'il ne représente plus que 2,5% de la
richesse nationale contre 4,5% voici vingt ans. Cet impôt est tellement
« mité », qu'on ne peut plus désormais le réformer qu'à la baisse.Jusqu'à ce stade de l'échange, François Hollande et Thomas
Piketty affichent donc des sensibilités différentes, mais pas de vrais
désaccords. « Nous avons un système qui est anti-redistributif », résume le dirigeant socialiste.Mais ces constats généraux étant dressés, François Hollande
et Thomas Piketty commencent à entrer dans le vif de ce que devrait être cette
révolution fiscale. Et l'on sent alors les points de friction ou de désaccord
se multiplier.D'abord, Thomas Piketty présente la réforme qu'il préconise
dans son livre, consistant à faire absorber l'impôt sur le revenu par la CSG et
rendre celle-ci progressive, avec des taux d'imposition pouvant aller jusqu'à
60%. « Nous gardons tous les bons côtés de la CSG, à savoir son assiette,
le prélèvement à la source et l'individualisation de l'impôt. Et nous gardons
le bon côté de l'impôt sur le revenu, qui est sa progressivité », dit-il.Ce qui est un peu trop « simpliste » ?
Interrogé sur ce point, parce qu'il avait usé de ce qualificatif dans un
entretien récent, François Hollande salue l'étude de l'économiste, mais prend
effectivement ses distances sur plusieurs points. Définissant ce que doit être
la réforme fiscale, il note d'abord qu'elle doit répondre à un premier principe :
« fiscaliser de la même manière les revenus du travail et les revenus
du capital ».
via www.mediapart.fr