Hélie Denoix de Saint-Marc est-il un « héros français » ?, par Gilles Manceron

Robert Ménard, maire de Béziers soutenu par le Front national, va changer le nom de la « Rue du 19 mars 1962 » en « Rue du Commandant Denoix de Saint-Marc. Héros français ». Pourtant, son rôle dans la justification de la torture pratiquée en 1957 lors de la Bataille d’Alger puis dans le putsch d’avril 1961 contre la République n’autorise en aucun cas ce terme.

Depuis plusieurs années, l’extrême droite française nostalgique de la colonisation a trouvé un « cheval de Troie » pouvant lui permettre la réhabilitation « raisonnable » de son idéologie, en mettant en avant la personnalité du commandant Hélie Denoix de Saint-Marc (1922-2013)[1]. Avec le soutien du Front national, Robert Ménard organise à Béziers le 14 mars une cérémonie où, selon son invitation, la plaque ajoutera à son nom les mots : « héros français ». Le journal municipal titre : « Effaçons la honte d’une rue du 19 mars 1962 » et « Venez nombreux saluer la mémoire d’un héros français[2] ». L’opération lui a été facilitée par le fait que cet ancien résistant et déporté devenu officier parachutiste dans la Légion étrangère durant les guerres d’Indochine et d’Algérie, a eu un petit-neveu, Laurent Beccaria, né lui-même après la fin de la guerre d’Algérie, en 1963, devenu éditeur de talent et co-fondateur, en 2008, avec le grand reporter Patrick de Saint-Exupéry, de la revue XXI, qui a visiblement été fasciné par cet aïeul aux allures de vieux sage, au point de l’aider à construire autour de son rôle dans la guerre d’Algérie une légende dont d’autres se sont empressés de se servir à leur profit. Animé d’une vénération manifeste pour ce pieux et plutôt discret ancien militaire, pour cet officier deux fois vaincu lors des guerres coloniales qui avait été emprisonné avec les chefs de l’OAS, il s’est employé à recueillir, mettre en forme et publier ses récits. Il lui a d’abord consacré une biographie, Hélie de Saint-Marc, en 1988, aux éditions Perrin, puis l’a aidé en 1995, chez le même éditeur, à publier ses Mémoires sous le titre Les champs de braises, qui ont reçu le Prix littéraire de l’armée de terre-Erwan Bergot en 1995, et, l’année suivante, le Prix Femina essai. En 1999, sont parues Les Sentinelles du soir, et, en 2000, Indochine, notre guerre orpheline, aux éditions Les Arènes fondées par Laurent Beccaria. Un site internet lui a également été consacré, ainsi que diverses publications audiovisuelles, dont, en 2004, Toute une vie ou Paroles d’Hélie de Saint-Marc, toujours aux éditions Les Arènes, en collaboration avec Laurent Beccaria, volume accompagné du CD audio d’une émission radiophonique.

Voyant tout le profit qu’ils pouvaient tirer de la mise en avant de ce personnage, les officiers supérieurs restés attachés à l’Algérie française, nostalgiques de l’OAS et accusateurs de la « traitrise » du général de Gaulle qu’ils accusent d’avoir abandonné ce territoire où ils avaient « gagné la guerre », ont choisi de mettre en exergue ce personnage d’Hélie Denoix de Saint-Marc. En particulier dans le Livre blanc de l’armée française en Algérie qu’ils ont publié en 2001 dans le but de disqualifier les nouveaux travaux historiques décrivant les réalités de la colonisation et en particulier la torture pratiquée à grande échelle par l’armée française en Algérie[3]. Son objet était de ripos

via blogs.mediapart.fr

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