Grossman : « Qu’Israël le premier reconnaisse la Palestine » | Rue89

Rue89 : Comment expliquez-vous l'ampleur prise par le mouvement pour la justice sociale en Israël ? Que dit-elle dit sur la société israélienne ?

David Grossman : Tout a commencé avec une protestation sur le prix d'un formage ! C'est la révolution du fromage ! C'est impressionnant et encourageant. Je pense que c'est un moyen pour les Israéliens de retrouver quelque chose que nous avons perdu au fil des décennies : la solidarité.

Toute société a besoin de solidarité, mais la société israélienne par-dessus tout, qui vit dans une situation extrême. Nous vivions sans solidarité, et même avec l'opposé car il y a tant d'animosité au sein de la société israélienne : entre religieux et laïques, colons contre gauchistes, nouveaux immigrants contre les anciens… Quand une société n'est pas saine, toutes les lignes de partage ressurgissent de manière dramatique.

Depuis plus de quarante ans, depuis la guerre des Six jours de 1967 et les débats houleux qui entourent l'occupation des territoires palestiniens, les Israéliens ne jouissent plus du goût agréable de la solidarité. Aujourd'hui, il y a la possibilité de voir ce sentiment revenir, on voit à quel point les gens ont envie de ce dont ils ont été privés.

Pour que cela se produise, nous sommes mêmes prêts à mettre de côté pour un moment les questions politiques, qui sont évidemment les plus lourdes. Mais la question sociale conduira à la question politique, car les gens vont finir par s'interroger : où est allé tout cet argent ? Et la réponse est : aux colonies, à l'occupation, à l'armée qui protège les colonies.

Mais pour le moment, nous nous satisfaisons de ce sentiment ancien et nouveau, qu'est la solidarité.

Ce serait donc un retour aux valeurs égalitaires des pères fondateurs d'Israël, Ben Gourion etc. ?

Plus que ça, la solidarité est une valeur juive de base, un des piliers de notre identité. C'est une demande d'égalité pour tous, un désir que la richesse ne soit pas aussi brutale, si je peux utiliser ce mot. Ce sont les valeurs sur lesquelles Israël a été fondé.

C'était une époque modeste : notre second Président, Yitzhak Ben Zvi, vivait dans une maisonnette en bois à Jérusalem, elle est toujours là et je vais la voir de temps en temps… Lorsque David Ben Gourion a démissionné, il est parti dans le désert du Neguev, et il a vécu jusqu'à sa mort dans la maison la plus modeste qu'on puisse imaginer.

Au fil des années, avec la richesse, la corruption, les tentations habituelles de la modernité, nous avons perdu quelque chose d'important. Cela ne veut pas dire que nous devons tous aller vivre dans des cabanes en bois, mais il y a un juste milieu.

A quel moment pensez-vous que ce mouvement social se posera les questions politiques dont vous parliez ?

Ça viendra assez vite. C'est difficile de prédire, mais il est sûr que toute cette énergie sociale, émotionnelle, devra trouver une traduction politique. Et on reviendra sur terre.

Mais mon sentiment est que nous ne serons pas en mesure de changer quoi que ce soit entre les Palestiniens et nous tant que nous n'aurons pas fait ce chemin à l'intérieur de nous mêmes. Nous sommes prêts à attendre encore un peu, nous attendons depuis quarante quatre ans ! Pendant ces années, nous avons protesté et demandé l'arrêt de l'occupation, sans grand succès. Essayons cet autre chemin !

La surprise est que ce mouvement a surgi alors que la société i

via www.rue89.com

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Translate »
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x