« Il n’y a plus que les dévots pour croire à la numérologie économique »
Quelques mois plus tôt, en juin, le Conseil européen s'était entendu sur une autre avancée présentée comme « décisive » : conformément aux souhaits de Madrid, les banques espagnoles au bord du défaut seront recapitalisées, non pas par l'État espagnol, mais via un plan d'aide européen (qui devrait finalement voir le jour courant 2013). Une manière de rompre le cercle vicieux entre crise bancaire et crise des dettes publiques en Europe. Qu'en pensez-vous ?
Décisive, non – à preuve les grandes tensions de l’été. Importante, oui. Mais l’état de décomposition de l’Union, ravagée par la défiance réciproque des États-membres entre eux et vis-à-vis des institutions, est tel que les décisions ne sont pas seulement actées trop tard et avec trop de réticence, mais sont en permanence sujettes à être reprises. Voilà que l’Allemagne demande maintenant que les opérations de recapitalisation directe des banques par le MES soient couvertes par une garantie souveraine…, soit le parfait recul après la « grande avancée » !
Cette décision ne change rien à la donne macroéconomique de fond. Même recapitalisées par le MES, ou soutenues par le LTRO de la BCE (les opérations de refinancement à long terme, pour assurer la liquidité du système bancaire – ndlr), les banques finiront par ne plus vouloir se charger en dettes souveraines s’il s’avère que l’équation de leur soutenabilité est sans solution (et d’autant moins que les politiques d’austérité sont poursuivies !).
Êtes-vous favorable au fait de retirer du calcul du déficit public des États membres, les investissements « productifs », ce qui serait une autre manière de redonner de l'oxygène aux États, tout en essayant de respecter l'objectif des 3 % du PIB de déficit ?
C’est une question qui suppose implicitement d’avoir admis que la politique budgétaire doive être réglée sur des objectifs prédéfinis de déficit, courant et/ou structurel. Or cet implicite ne va nullement de soi, il est même aussi inepte que dangereux. Plutôt que d’entrer dans les discussions byzantines de définition des déficits variés, c’est le préalable de cette fausse évidence qu’il faut déconstruire car c’est en ce point précis de l’asservissement des politiques économiques à des cibles prédéterminées que réside la tare congénitale du modèle européen.
Un paradoxe étonnant veut que les États-Unis soient les grands émetteurs d’injonctions doctrinales que seuls les Européens sont assez bêtes pour prendre au pied de la lettre. Ainsi de ce débat très « Chicago » (les économistes libéraux de l'école de Chicago – ndlr), connu sous le nom « rule vs discreti
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