Quarante ans après la mort de Franco, si le temps a passé, la détestation est intacte. Elle a inspiré "Franco la muerte", un ouvrage à paraître le 27 août aux éditions Arcane 17, qui regroupe 20 nouvelles inédites écrites par des snipers de la plume qui visent juste, et sur tous les tons : drôle, cocasse, grave, ironique, coléreux… Chaque mercredi l'humanite.fr vous en propose un extrait différent.Novembre 1975, le Caudillo meurt de sa belle mort. Dans son lit, en toute impunité ! Janvier 2015, l’idée jaillit de célébrer l’anniversaire de Franco de porc, pour les 40 ans de sa mort. Franco, les garrots, les fachos, les bigots, les toubibs, les courtisans, les cocos, les anars, les Basques : vingt auteur(e)s entament ici la grande parade des règlements de compte. A la lecture du receuil "Franco la muerte" on se dit que l’affaire n’est pas soldée. D’autant que l’Ogre a fait des petits, baucoup de petits…
PORQUE TE VAS
(extrait)
Jeanne Desaubry
Valérie avance dans les rues de Paris. Ses yeux cueillent les néons, les affiches, les vitrines… Difficile de cacher sa curiosité provinciale. Pourtant, elle serait prête à tout afin de passer pour une jeune Parisienne blasée plutôt que pour une oie blanche nancéenne. Ce qu’elle est.
Dans sa démarche, transparaît le ravissement de se tenir là, en plein Quartier Latin. La sacoche qui bat sa hanche contient les papiers enfin dûment tamponnés. Bien sûr, elle habitera la banlieue, loin du cœur palpitant de sa future vie, mais elle sera là, au sein du Paris estudiantin, intellectuel, foisonnant, dont elle a toujours rêvé… Elle écoutera d’émérites professeurs lui parler de Sartre et Camus, de Borges et de Deleuze. Elle fréquentera la bibliothèque vénérable sous son dôme, elle s’assiéra sur des bancs qui ont vu passer le cul de l’intelligentsia française. L’idée la fait sourire.
Elle n’a aucune conscience de sa beauté. Elle sait que les hommes la regardent, mais elle n’y voit que leur appétit pour le rut qu’elle affronte depuis bientôt dix ans. Depuis que le tonton a commencé à lui caresser subrepticement les cuisses, et puis le curé qui la serrait sur ses genoux, et son voisin en quatrième qui se branlait en classe… Elle se demandait bien ce qu’il fabriquait sous sa table en la regardant, celui-ci. Sa copine Julie, plus avisée qu’elle sur ces choses-là, lui avait expliqué… Et tous les autres depuis, dans la rue ou le métro, ceux qui sifflent ou qui la hèlent avec des mots qu’elle refuse d’entendre… Presque chaque jour.
via www.humanite.fr