Erri de Luca « Notre classe dirigeante sera issue de Lampedusa » | L’Humanité

L'écrivain, poète et traducteur italien a été jugé et acquitté de l'accusation d'incitation au sabotage de la ligne ferroviaire à très grande vitesse LyonTurin. Militant de Lotta Continua dans les années 1970, ancien ouvrier, le Napolitain Erri De Luca, devenu montagnard dans le val de Suse, chante les louanges des migrants, force régénératrice de son pays.
HD. Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir écrivain ?
Erri DE Luca. Dès l’adolescence, écrire était une façon de me tenir compagnie. J’ai écrit mon premier récit à 11 ans. Je fais une grande différence entre le moi-même qui lit et le moimême qui écrit. Celui qui lit est une autre personne. Mes écrits ne viennent jamais de choses lues mais toujours de choses vécues. La séparation est totale.
 
HD. Pourquoi écrivez-vous vos livres à la main ?
E. D. L. J'écris sur des cahiers en laissant la page gauche blanche. Je peux ainsi revenir sur ce que j'écris et rajouter des choses. Ma page de gauche est celle qui redresse la droite.
 
HD. Mais pourquoi écrire à la main à l'heure de l'ordinateur ?
E. D. L. J'ai appris dans le siècle où l'on écrivait encore à la main. Vers 30 ans, lorsque j'étais ouvrier, je me suis aperçu que la main allait à la vitesse de la tête. Si j'avais commencé sur ordinateur, jamais je ne serais passé à la main. Il est beaucoup plus rapide. Mais la main a pris de l'importance. Elle est devenue comme le chef d'orchestre, celui qui bat le temps de l'écriture. Elle me permet d'être plus exact.
 
HD. N'est-ce pas la poursuite d'un travail manuel ?
E. D. L. L'écriture n'est pas un travail. Vendre ma force de travail pour un salaire en était un. L'écriture est le contraire. Quand j'étais ouvrier, l'écriture était le petit temps sauvé, parfois quelques quarts d'heure arrachés à la journée. Ils avaient la valeur ajoutée d'un temps de rachat de la journée vendue. Dans mon cas, l'écriture ne peut pas être associée au verbe travailler.
 
HD. Qu'a changé pour vous le fait d'être publié ?
E. D. L. Cela n'a rien changé à ma vie d'ouvrier. J'ai continué 7 ans après la sortie de mon premier livre. Le changement s'est produit au moment où j'ai pu abandonner mon travail et gagner ma vie avec cette imposture. Je suis un imposteur. Quelqu'un qui vend des mots est un imposteur. Je suis bien sûr un imposteur autorisé. Je le suis moins qu'un politicien qui ne vend pas seulement des mots mais des actions c onséquentes. Quand quelqu'un me demande quel métier fais-tu ? Je réponds : « J'écris des histoires. » On me rétorque : « Oui, mais quel métier fais-tu » ? Quand il comprend que je gagne de l'argent en écrivant, il me prend pour un escroc.
 
HD. Comment est né votre engagement ?
E. D. L. J'ai grandi au milieu de livres. À travers eux, je pouvais m'approcher de la moitié du XXe siècle que je n'avais pas connue et qui avait laissé des traces de son passage écrasant dans les vies des personnes, dans celles de mes parents. Je me formais une éducation sentimentale face à l'histoire. Je suis d'une génération d'insurgés. Un peu partout dans le monde, elle a été la dernière génération révolutionnaire du monde. Je me suis retrouvé avec des contemporains dans les luttes. La seule autre possibilité était de déserter. Donc, je suis descendu du trottoir pour aller au centre de la rue avec

via www.humanite.fr

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