Pourquoi Pasolini ?
Pour moi, c'est une référence depuis presque toujours. En toute humilité, j'ai des tas de choses en commun avec lui ! Le travail sur le corps, les références à Mazaccio, à Caravage… Dans toute son oeuvre, il y a la réalité la plus prosaïque, la plus violente, et en même temps ce regard est toujours nourri des grandes voix du passé, avec des références à Dante, à Virgile… Il s'affirme comme marxiste, mais il fait L'Evangile selon saint Matthieu. Il s'inscrit dans 2000 ans d'histoire. Cette simultanéité du temps existe aussi dans mon travail. Je fais en sorte que l'émotion provoquée par mon image ne soit jamais séparée de l'histoire du lieu où elle se trouve. Mes images doivent donner du sens à l'espace et au temps que nous partageons dans la ville. Je fais du lieu un espace plastique, mais j'essaie aussi de travailler ce qui ne se voit pas, la symbolique du lieu, sa mémoire. Le personnage principal, ce n'est pas mon dessin, mais le lieu.
Ici, mon image est une image-interrogation, et je l'ai traitée de façon un peu pasolinienne : j'ai dessiné Pasolini d'après les photos que la police a prises après son assassinat, il a le même tricot, le même jeans, les mêmes bottes, et en même temps je l'ai mis dans la position d'une pietà. C’est une approche à la fois très réaliste et chargée de mythologie.
Comment avez-vous choisi les lieux, justement ?
J'ai fait un gros travail car ils ont tous un lien avec la poésie, le cinéma, les romans ou la mort de Pasolini… J'anticipe aussi le comment de la rencontre, comment et d'où l’on va découvrir mon dessin. Un seul lieu n'a pas de lien objectif avec lui. Comme je n'ai pas retrouvé les quartiers de Rome où il a tourné Mamma Roma, ces lieux de misère des années 50-60, j'ai pensé à Scampia, dans les environs de Naples, le quartier de Gomorra, entièrement squatté par les dealers et dans lequel on peut difficilement entrer. Mais, grâce à une amie napolitaine, j'ai rencontré quelqu’un qui me l’a permis : dealer à 13 ans, garde du corps armé à 14 ans, Davide a découvert pendant ses nombreuses années de prison la lecture, la poésie et Pasolini, pour lequel il s’est passionné. Aujourd’hui, cet ancien voyou est en reconversion totale, en contrition même. Il pense que seules l’éducation et la poésie peuvent sauver les enfants de ce quartier, que lui-même a passé beaucoup de temps à vendre de la mort parce qu’il n’était pas éduqué, qu’il méprisait autrefois tous ceux qui faisaient des études, mais que maintenant, à Scampia, il veut faire campagne contre ça…
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