Enseignement « de la Philosophie » ou philosophique au Lycée : d’une exceptionnelle misère, jusqu’à quand ? A propos d’une Ode funèbre à la Dissertation…

Le site "Le Vent se Lève" vient de publier une "Ode funèbre à la dissertation : enseigner et évaluer la Philosophie en Terminale". Cette Tribune témoigne d'une conscience, certaine, des professionnels de cet enseignement, sur les faits et difficultés de celui-ci. Le texte établit une liste de faits/causes : la maîtrise et l'usage d'une langue française réduite par une partie de plus en plus importante des lycéens concernés, un exercice central, la dissertation, devenu lui-même une problématique pour les lycées et donc pour les enseignants, les difficultés spécifiques au processus de production d'énoncés cognitifs ou de valeur cognitive, une contradiction interne entre un rejet d'une méthode extérieure et l'affirmation de la nécessité d'une méthode pour penser, l'état général, "effondré", de l'école, l'insuffisante préparation/acquisition de principes/connaissances sur la pratique écrite, les prescriptions extraordinairement "bienveillantes" des notices de l'inspection générale en vue des corrections/notations. Sur la base de ces éléments critiques, Margaux Merand considère logiquement qu'il faut en tirer un bilan, lui aussi critique, afin de pouvoir sortir de cette situation délétère, afin que la mission même d'enseigner, former, soit réellement atteinte, afin de soutenir la matière qui, sans cela, comme on le voit actuellement, semble bénéficier d'une "aura" spéciale, mais en fait, est méprisée, activement ou non, par nombre de celles et ceux à qui elle s'impose, de la hiérarchie scolaire aux parents, en passant par les élèves. C'est pourquoi l'auteure (avec un autre professeur) propose que la notation globale pour le baccalauréat repose sur une pluralité d'exercices obligatoires, avec deux fondamentaux : un contrôle des connaissances, un exercice rédactionnel, "plus réflexif". Corollaire de cette évolution, elle défend aussi celle des programmes, l'étude annualisée d'une oeuvre en particulier (dans son choix, "Politeia", de Platon), et enfin, alors qu'il s'agit sans doute de la première "réforme" fondamentale, l'enseignement depuis la Seconde, ce qui aurait des avantages pour toutes et tous – ce qui est une requête formulée depuis les années 70, par exemple par le GREPH (avec Jacques Derrida, et tant d'autres).

Qu'en est-il ? Les penseurs/décideurs du système scolaire en France ont considéré et considèrent que tout apprentissage demande un temps adapté, souvent long, afin que les réflexes et les connaissances à acquérir le soient. Des matières sont ainsi enseignées depuis la première année du collège, jusqu'à la terminale, soit pendant 7 ans, comme pour le français, les mathématiques, l'anglais, l'histoire-géographie. Pour "la Philosophie", c'est une seule année, la dernière. Qu'est-ce qu'une année scolaire ? Chacun le sait : un temps qui commence en septembre, avec des vacances dès la fin octobre, puis dès la fin décembre, puis dès février, puis dès avril, pour une fin de formation fin mai ou courant juin, selon les années. C'est dans un temps aussi court, coupé, que les professeurs de Philosophie sont requis de… de quoi, justement ? De réaliser une découverte de "la Philosophie" ? Si tel était le cas, ils se consacreraient uniquement à cette "découverte", mais l'obligation de préparer à une forme rédactionnelle difficile prend beaucoup de temps, en préparation et en exercice. De permettre aux "jeunes à apprendre à penser par eux-mêmes" – d'une manière très contradictoire, avec un enseignement au contraire très plein et contrôlé, sanctionné. De comprendre-maîtriser-réaliser par soi-même les processus mentaux "philosophiques" – mais comment ce qui a pris des années à des "auteurs" pourraient ainsi être mesurés, compris, de l'intérieur, en quelques heures rapidement évacuées ? ! Qu'est-ce que les auteurs ont pu "penser", qu'ils voudraient voir, étudier, compris, mis en oeuvre ? Est-ce que les auteurs ont pensé, écrit, pour que leurs textes soient étudiés, dans un cadre enfermé "la Philosophie", sans prise en compte des éléments contextuels qui les ont déterminé, tant négativement que positivement, à penser comme ils l'ont fait ? C'est ce qu'il y a de plus fascinant dans "l'enseignement de la Philosophie" en France depuis des décennies : alors qu'elle incarne l'ouverture de pensée même, cet enseignement a été construit pour que cette "ouverture" disparaisse dans une fermeture totale ! 

  • est-ce que la pensée "Platon" peut se faire sans : une connaissance de l'Histoire des peuples grecs, et de la trop fameuse "démocratie athénienne" ? sans une étude/prise en compte de la première "psychologie" sur laquelle toute l'oeuvre est structurée ? sans que son histoire personnelle, avec, notamment, sa deuxième oeuvre fondamentale, devenue depuis la première, la première école, l'Académie, soit également étudiée ? sans que la problématique fondamentale de la "manipulation mentale" soit sérieusement prise en compte, pour donner du sens à la trop fameuse "allégorie de la Caverne" ? 
  • est-ce que la pensée "Hegel" peut être sérieusement approchée et comprise sans un constant rapport à l'Histoire, alors qu'il en fait le cadre même de la plus importante réalisation ? sans que son sentiment en la matière, sa prétention, ne soit étudiée, aussi, sous l'angle d'un délire, d'une folie, COMME SI "les auteurs", "divinisés", "idolâtrés", étaient nécessairement des penseurs et seulement des penseurs ? ! 
  • comment le propos de Machiavel, si déterminé par les violences de son temps, peut-il être rendu intelligible, et en même temps aussi, heureusement, "relativisé", et même contredit, sans placer son propos dans le contexte ?
  • comment l'écriture sartrienne peut-elle être travaillée et rendue intelligible, sans la travailler au corps pour la rendre générale, sans déconstruction de ses logicismes scolaires ? !
  • comment la pensée Nietzsche peut-elle être à la fois rendue intelligible et aussi "contredite", sérieusement, solidement, si on ne veut pas laisser croire que parce que nous plaçons tous ces "auteurs" sur un piédestal, leurs idées singulières et générales se valent toutes ?
  • comment la pensée Marx peut-elle être justement étudiée, rendue intelligible, sans la mise en perspective des esclavagismes généralisés du 19ème siècle, que ce soit dans les "colonies" comme dans nos pays "colonisés" par des volontés énormes de profits énormes, … à tout prix ? ! 

C'est ce que peuvent vivre/faire, les étudiants dans les Universités. Le cours de terminale de Philosophie peut donner faim de recherches concrètes, approfondies. Mais nous savons que, fort logiquement, peu de lycéens feront le choix de l'enseignement de la Philosophie à l'Université – et "heureusement", puisque dans la situation actuelle, il y a tellement peu de "débouchés" organisés par l'Etat pour cette matière qu'ils se formeraient alors à être avant tout des futurs chômeurs/chômeuses, comme s'il n'y en avait pas déjà assez… Si le système scolaire fonctionnait tant sur le respect les concernant que sur le respect concernant les enseignants pour cette discipline, des "Assises de la pensée philosophique" permettraient de dégager, avec et après les débats, un accord général sur une véritable réforme. Nous sommes en 2017… N'est-il pas plus que temps de donner du temps à la construction-de-la-pensée ? ! 

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CHAMPSEIX
CHAMPSEIX
7 années il y a

Cher collègue,
Je trouve bon que chacun s’exprime et je n’ai jamais cru à une philosophie officielle. Je crains, toutefois, que vos propositions, qui s’abritent derrière une évidence qu’il serait malhonnête de remettre en cause selon vous, ne tombent dans un tel travers, non pas dans sa volonté certes – je ne vous ferai pas une telle injure ! – mais en fait. Sans me reporter à l’article auquel vous renvoyez, je me permettrai de faire trois objections à l’encontre de vos propos. Il est clair que des objections n’ont de sens que du point de vue de la discussion et aucun à celui d’une éristique.
1) Va-t-il de soi que la philosophie, comme toute autre discipline, doive commencer avant la terminale ? Si, elle est par nature réflexive – mais je suppose là une idée que vous ne partagez peut-être pas – je ne vois pas trop a) comment elle ne pourrait pas supposer des acquis antérieurs et extérieurs : vous-même insistez sur ce point à la fin de votre article , b) comment elle pourrait ne pas entretenir un rapport brouillé avec les autres disciplines si elle était étudiée conjointement avec elles ? Pour ne prendre qu’un exemple : comment préparer, en même temps, l’EAF de français en première et travailler sa philo ?
2) Je ne vois pas ce que vous entendez par « processus mentaux philosophiques ». Ne doit-on pas distinguer les interrogations de droit, celles où, qu’on le veuille ou non, la question de la vérité est engagée, de la psychologie au sens moderne du terme ?
3) Il est tout à fait possible d’aborder un certain nombre de philosophes à partir du contexte historique mais leur pensée ne nous importe-t-elle que de ce point de vue ? Au sens strict du terme, est-elle réellement susceptible d’intéresser ainsi les élèves ? Exemple : Platon n’a-t-il de sens que par rapport à l’Athènes du cinquième siècle avant Jésus-Christ ? Sont-ce là les « recherches concrètes » dont il serait bon « d’avoir faim » ?
Dernière remarque : je suis un peu étonné que l’on appelle à un débat tout en annonçant par avance ses conclusions.
Cordialement,
Alain Champseix

jcg
jcg
7 années il y a

A l’attention d’Alain Champseix,
Par processus mental philosophique, vous usez d’un pour commencer : une évidence qui se présenterait comme indiscutable alors qu’elle fonctionne sur des présupposés qui, à l’examen… Ce qui, dans ce cas, est évidemment faux : rien de ce qui est écrit ici n’est présenté comme évident et sûr, absolument, puisqu’il est inscrit dans le processus d’un dialogue, et que, puisque ce n’est pas une chose « révélée », tout est donc parfaitement discutable, proposé à la discussion, et donc, à la critique. On aurait pu faire l’économie de ce préalable, mais puisque vous imposez le faire de l’écrire, cela va donc mieux en le disant. Oui, la pensée philosophique n’est pas seulement réflexive, mais cumule des actions intellectuelles, diverses et de diverses valeurs : intuitive, déductive, illogique aussi, délirante aussi encore, « créative », comme lorsque des auteurs ont fixé des paradigmes, comme « les Idées ». Le fait que l’enseignement de « la philosophie » exige-rait des acquis antérieurs et extérieurs justifierait qu’il faille attendre la terminale pour, puisque ce sont les autres disciplines qui les apporteraient. Sauf que les propres acquis que cet enseignement est censé rendre possible demande un tel temps que la majorité des professeurs le disent, quand ils sont réunis ensemble : nous n’avons pas assez de temps. C’est une évidence qu’ils partagent – une majorité, je ne doute pas que des héros et des Titans sont capables de faire en moins de temps ce que de pauvres laborieux ne parviennent pas à faire… Et si vous me jugez ici un poil ironique, vous me permettrez aussi de l’être, quand vous l’êtes également (« Si, elle est par nature réflexive – mais je suppose là une idée que vous ne partagez peut-être pas -« ). Si nous nous posons comme objectif d’atteindre à des vérités fondamentales et universelles, faut-il considérer que la maîtrise de nos déterminations psychologiques ne nous aiderait pas à ne pas nous tromper, à limiter les erreurs, et à ne pas prendre, des « préjugés », pour des « évidences » ? Si on étudie ce que fut la dissertation philosophique à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, en France, selon les professeurs du temps, notamment les prescripteurs de règles, méthodes, et d’échelles de notation, pensez-vous que nous sommes assurés que nos collègues d’il y a plus d’un siècle ont réussi à échapper à des préjugés, y compris « philosophiques », en liaison avec ce qu’était l’ordre et le fonctionnement social ? Il ne s’agit pas, selon moi, d’aborder un certain nombre « de philosophes à partir du contexte historique », mais de prendre en compte que leur oeuvre s’est constituée comme un dialogue avec leur temps, en raison des événements majeurs, des forces dominantes, de leur temps, et qu’il est difficile de comprendre un dialogue si on ne sait pas à quoi ils ont entendu parler, répondre. Platon n’a pas de sens que par rapport, mais c’est de là qu’il est né et a vécu, qu’il a eu les pieds, les mains et la tête, et que tout être humain est nourri de son lieu de vie. Enfin, comme vous le savez autant ou mieux que moi, les textes platoniciens sont « saturés » de référence à la vie sociale et politique de son temps – sinon,comment comprendre le dialogue consacré au procès contre Socrate ?
Dans un débat, on a donc le droit d’avancer des propositions, et pour certaines même, des « conclusions » parce que ce sont NOS propositions et conclusions. Il y a précisément débat parce qu’il s’agit déjà d’une réponse, et que celle-ci en appelle d’autres.

jcg
jcg
7 années il y a

Précision : il ne s’agit pas ici de prétendre avoir énoncé une analyse définitive, des solutions définitives (cf commentaire précédent). Mais par contre, il est certain d’une chose, c’est que le discours POLITIQUE du « TINA », autrement dit, de la transformation du fait actuel, en fatalité/nécessité, est, comme par ailleurs, inacceptable, parce que totalement mensonger et délirant – au regard de l’Histoire. Et qu’il semblerait bien que les professeurs en Philosophie en aient assez du statu quo actuel. Vivement…

CHAMPSEIX
CHAMPSEIX
7 années il y a

Cher collègue,
« Et si vous me jugez ici un poil ironique, vous me permettrez aussi de l’être, quand vous l’êtes également (« Si, elle est par nature réflexive – mais je suppose là une idée que vous ne partagez peut-être pas -« ) » Mais non, je n’étais pas ironique. Pourquoi l’aurais-je été ? Qu’est-ce qui vous le fait penser ? Je suis, au contraire, prêt à entendre des arguments qui me sont contraires. C’est d’ailleurs, au niveau des lycéens, un des intérêts de la dissertation de philosophie : non pas réaliser un exercice rhétorique (rhétorique et philosophie, voilà des choses qui ne vont guère ensemble, il y a trente siècles comme de nos jours !), mais s’exercer à penser contre soi-même. Ce n’est tout de même pas ce que pourraient permettre des contrôles de connaissance réguliers.
En tant que savant – ce que je ne suis pas, je peux m’intéresser aux origines de la dissertation dans l’enseignement français du XIXème siècle, mais, en tant qu’enseignant, je n’en ai strictement rien à faire. Je ne vois même pas en quoi cela pourrait importer à nos élèves qui, s’ils peuvent être loin de l’enseignement de philosophie comme vous l’estimez, sont encore plus loin de recherches universitaires plutôt ultra-spécialisées.

jcg
jcg
7 années il y a

S’agit-il de supprimer TOUT exercice écrit, y compris sous la forme de la dissertation ? Ce n’est pas ce que propose cette collègue, et pour ma part, j’approuve le fait qu’il y ait une valorisation du travail d’acquisition de connaissances pures, sur les auteurs, l’Histoire de, les courants, etc. Ce système en France où tout doit être et tout le temps UNE seule possibilité, voie, méthode, cela n’est ni plus tenable, ni supportable. On a besoin d’air, de variétés – autant les collègues que les élèves. C’est à ce travail que nous sommes appelés – si nous le voulons. Si une majorité, finalement, décrète, que la situation actuelle est idéale, qu’il ne faut aucune évolution, y compris, favorable à l’enseignement de – parce que, tout de même, en permettant qu’elle s’enseigne depuis la première année du lycée, il faudrait tout de même recruter, ce qui donnerait un espoir à des jeunes qui voudraient aller étudier cette filière à l’Université. Là aussi, c’est déplorable que celles et ceux qui le font n’aient quasiment qu’une seule « offre d’emploi », à savoir devenir eux-aussi professeur de philosophie, parce que, avec les compétences et les connaissances qu’ils acquièrent, avec ce sens du dialogue qu’ils sont amenés à apprendre et à développer, ils pourraient faire des merveilles, dans la diplomatie, dans les entreprises (RH et autres services), dans l’édition, mais, hélas, le conservatisme social/économique en France bloque tout, y compris de tels espoirs, de tels recrutements. Alors, puisque leur intégration sociale et économique est réduite à l’enseignement de la Philosophie, autant qu’ils le fassent avec des postes !

CHAMPSEIX
CHAMPSEIX
7 années il y a

1) a) « S’agit-il de supprimer TOUT exercice écrit, y compris sous la forme de la dissertation ? » Où voyez-vous que je vous prête une telle intention ? b) « Ce n’est pas ce que propose cette collègue ». Une règle de méthode que je m’impose : quand je discute avec quelqu’un, je ne discute pas avec quelqu’un d’autre en même temps, surtout si ladite personne est absente.
2) Qu’est-ce qu’une « connaissance pure » des auteurs ?
3) Faut-il raisonner en termes de majorité dès lors qu’il est question d’enseignement en général et d’enseignement de la philosophie en particulier ? S’il y a une majorité, c’est qu’il y a une minorité qui, au demeurant, aimerait bien devenir majorité. Tout cela n’est qu’affaire de rapports de forces, pression et contrainte sans lien avec l’essentiel : les arguments. Mais il est vrai que dans la diplomatie, les entreprises, l’édition (entreprise en grande partie partie commerciale), ce sont les rapports de force qui importent, les arguments ne sont que des moyens. Là règne la servitude, la pire qui soit, celle de l’esprit qui ne veut que se soumettre, qui n’a aucune idée de ce qu’il peut – doit – être… De quelle vie voulons-nous ?

Carlet
Carlet
7 années il y a

Cher collègue,
Si je suis sensible, vraiment, à l’authenticité de votre volonté d’amélioration des conditions de notre enseignement et, plus largement, d’une école publique digne de ce nom, je bute sur la logique de l’articulation entre un diagnostic extrêmement critique (« l’état général, « effondré », de l’école, l’insuffisante préparation/acquisition de principes/connaissances sur la pratique écrite ») et une proposition extrêmement adaptative (« C’est pourquoi l’auteure (avec un autre professeur) propose que la notation globale pour le baccalauréat repose sur une pluralité d’exercices obligatoires, avec deux fondamentaux : un contrôle des connaissances, un exercice rédactionnel, « plus réflexif ». Corollaire de cette évolution, elle défend aussi celle des programmes, l’étude annualisée d’une œuvre en particulier »).
A supposer que le diagnostic soit juste – et il est très certainement conforme au sentiment dominant des collègues – il faudrait logiquement se mobiliser contre tous ces maux, insupportables pour une école républicaine. Il faudrait se bagarrer pour que l’école instruise véritablement, pour que l’étude des humanités soit effective, etc. Au lieu de cela, nous est proposé le projet – qui sera toujours en retard d’une nouvelle dégradation – de « faire avec », comme si ces maux exprimaient une nécessité finalement bénéfique qu’il reviendrait aux professeurs de philosophie de consacrer.
Cette volte-face, pratiquée naguère par un syndicat béni-oui-oui, me heurte syndicalement autant qu’elle me surprend philosophiquement. Mais je ne saurais vous faire l’offense de feindre plus longtemps la naïveté, car j’ai effectivement rencontré à l’œuvre le paradoxe de cette « volonté réformatrice » au sein de la pratique des IUFM, et spécialement pour ce qui concernait l’enseignement philosophique : « Comment voudriez-vous enseigner une discipline exigeante et spécifique, alors que les publics ont changé – « un métier nouveau » – et qu’ils ne sont plus sensibles qu’à l’utile immédiat, nécessairement transdisciplinaire, la philosophie stricto sensu (sous la forme d’étude d’auteurs) a sa place seulement en un département universitaire spécialisé ? » – la voix des réformateurs était celle des administrateurs…
En quelques mots, l’alternative entre défense (réputée privilégiée) du statu quo et réforme salutaire (déclarée progressiste) me paraît trop pauvre, par sa faiblesse logique, pour amorcer une véritable réflexion ainsi qu’un authentique débat entre professionnels.
Cordiales salutations.

jcg
jcg
7 années il y a

A l’attention de Carlet : avec le début de votre propos, et son terme, il y a une contradiction – à moins que votre affirmation sur « l’authenticité de votre volonté… » ne soit pas sincère… Il est habituel que dans ce genre de situation, où un débat est affiché avec des contributions (il ne commence pas ici, ne se termine pas ici), nous entendions un « professionnel » déclarer/juger qu’il n’y a pas l’amorce d’ « une véritable réflexion ainsi qu’un authentique débat entre professionnels ». Puisqu’il en est ainsi pour vous, je vous souhaite une bonne suite, puisque le dit débat continuera sans vous.

Carlet Jean-Pierre
Carlet Jean-Pierre
7 années il y a

Cher Collègue,
Comment ne pas prendre acte de votre décision ?
Juste une précision : je n’ai jamais dit « qu’il n’y avait pas » l’amorce…, mais qu’une certaine alternative ne permettait pas l’amorce… Cela dit pour maintenir un sens aux notions d’authenticité et de sincérité…
Le vent se lève et nous devons vivre, certes, mais je voulais seulement dire qu’il importait de s’interroger sur la direction que nous voulons prendre.
La navigation se fera donc sans moi, je souhaite néanmoins bon voyage au vigilant capitaine que vous annoncez être (ce qui nous renvoie, encore et toujours, au livre VI de La République).
Salutations,
Jean-Pierre Carlet.

jcg
jcg
7 années il y a

Jean-Pierre Carlet,
Dans votre premier commentaire, vous indiquez, en substance, que étant donné une contradiction entre le sens général du propos et sa conclusion pratique, velléitaire plutôt que volontaire, ainsi que la pauvreté de l’ensemble, vous jugiez très négativement tout cela, et que, par conséquent, c’est implicite mais on l’entend, la suite se ferait sans vous. Donc, c’est vous qui décidez d’arrêter là votre contribution, et j’en ai seulement pris acte. Maintenant, si vous avez des choses à dire, ajouter, ce sera publié, comme précédemment.

CHAMPSEIX
CHAMPSEIX
7 années il y a

Contester les termes d’un débat qui, s’ils sont pris au pied de la lettre, l’orientent d’emblée, ne supportent même pas une remise en cause de leurs présupposés – ou, alors, il faudrait démontrer qu’il n’en est pas ainsi, ce n’est pas refuser le débat, c’est, au contraire, le sauver. Bon ! On peut toujours rejeter la discussion en prétendant que ce que l’on dit est incontestable sans preuve, parce qu’on l’affirme mais, alors, qu’on ne parle plus de débat. « Eglise X : Monsieur, admettez-vous l’article de foi a, traditionnel, rétrograde et dépassé ou soutenez-vous l’article de foi -a moderne, progressiste et libérateur ? – Mais je ne pense pas que ce soit la vraie question, je nie qu’il y ait des articles de foi – Eglise X : Alors, Monsieur, vous vous excluez vous-même du débat ». Soit l’Eglise X est puissante, réduit au silence (excommunication), voire allume un bûcher soit elle est une secte minuscule et l’exclusion qu’elle prononce fait hausser les épaules ou sourire.

jcg
jcg
7 années il y a

S’il y a bien une « spécificité » de ce qui s’appelle « Philosophie », dans son Histoire, c’est ce dialogue, constitutif de, tant intérieur, qu’avec les autres – et par dialogue, je n’entends pas une simple discussion, le cumul de deux monologues, un échange de points de vue, fixes, mais le fait que, par un dialogue, évidemment, notamment « socratique », nous pouvons nous approprier, et maîtriser, ce discours humain qui fait, le temps, le monde, l’époque – et qui peut reposer sur des préjugés extrêmement problématiques. Etre un « professionnel » de « la philosophie » ne garantit nullement ni d’être dans le sens de ce dialogue, ni de l’aimer, ni de le pratiquer. Mais, « normalement », nous savons que si nous voulons atteindre des objectifs, réussir un projet de construction, commune, ce dialogue authentique, total, est fondamental. Alors, à chacune, chacun, selon ses besoins… de dialogue !

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