Enquête sur les véritables lieux du pouvoir. Par Geoffrey Geuens | Joli Mai

Après s’être penché sur les interactions entre le pouvoir et les médias (dans Tous pouvoirs confondus, éd. EPO), Geoffrey Geuens poursuit ses recherches et dissèque les liaisons dangereuses entre big pouvoir et big business dans son dernier ouvrage (La finance imaginaire)

Obama, Sarkozy, Reynders, Stiglitz et Soros sont unanimes : les gouvernements doivent impérativement « surveiller les banquiers » et, surtout, « restaurer l’État ». À l’heure des licenciements collectifs et de la montée des précarités, voici donc que réapparaissent des slogans que l’on croyait révolus ou, tout au moins, réservés aux seuls altermondialistes. Les mots d’ordre réformistes refleurissent donc avec la crise, simples produits d’appel à destination autant des disciples repentants du social-libéralisme qu’aux marchands du temple à la recherche d’un second souffle éthique. Quelques mois auront suffi pour que la doctrine régulationniste redevienne l’horizon indépassable des principaux dirigeants européens et américains.

Jusqu’à quand ? Difficile à dire. C’est que les discours de promotion de l’État-régulateur sont matraqués à coups de cartes blanches ampoulées et d’essais semi-savants par des intellectuels médiatiques longtemps voués à la cause du tout-au-marché. Soit. Ces prises de position, et c’est là l’essentiel, demeurent prisonnières d’une idée reçue : l’extériorité du monde de la haute finance et de l’État ; thèse scientifiquement sujette à caution mais absolument centrale dans l’argumentaire régulationniste. De Stiglitz à Attali en passant par Angela Merkel, DSK et Di Rupo, la partition ne souffre aucune fausse note ; chacun répète à l’envi que les gouvernements, longtemps victimes de la pensée unique, doivent à présent reprendre la main. Coupable mais pas responsable, l’État est condamné à une peine minimale : celle des travaux d’intérêt général.

Ainsi donc s’écrit le roman de la crise financière. Palpitant, séduisant, rassurant. Mais comme tout bon conte, car c’est bien de cela qu’il s’agit, celui-ci prend des arrangements avec la réalité. Discours d’État sur l’État, la version officielle relève, pourrait-on dire, du mensonge par omission. La dérégulation ? On feint souvent d’ignorer, à gauche comme à droite, qu’elle fut le grand-œuvre de la puissance publique. L’Histoire repasse les plats et les pyromanes d’hier s’improvisent en pompiers de la dernière chance. Ce sont bien des démocrates, passés depuis lors au privé, qui ont démonté les garde-fous installés à la suite de la crise de 29 : Robert Rubin et Lawrence Summers, reconvertis en conseillers d’Obama, ont été secrétaires au Trésor de Clinton avant de rejoindre, pour le premier, le géant Citigroup, pour le second, le gestionnaire de hedge funds D.E. Shaw. Et le nouveau président des États-Unis ne compte pas en rester là : son chef de cabinet, Bill Daley, vient de quitter la vice-présidence de JPMorgan Chase alors que son directeur au Budget lors de la gestion de la crise vient lui de rejoindre Citigroup. Continuons.

Les dirigeants cupides de Lehman Brothers ? Le PDG Dick Fuld, fidèle mécène des partis républicain et démocrate ; Jami Miscik, directrice adjointe des renseignements à la CIA sous George W. Bush ; ainsi que l’ambassadeur de l’administration Clinton aux Nations unies, Richard Holbrooke. Ce dernier, également administrateur d’AIG, sera promu par Obama envoyé spécial pour le Pakistan et l’Afghanistan. Et ce n’est pas tout. La banque d’affaires américaine pouvait aussi compter sur le soutien de ses conseillers européens : Lord Tugendhat, ancien vice-président de la Commission ; Klaus Kinkel, vice-chancelier allemand à l’époqu

via www.jolimai.org

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