« He's coming » (il arrive) ; « He shooting children » (il tire sur des enfants) ; « He has killed several » (il en a tué plusieurs) ; « terrified » (terrifiée)…
Ce sont quelques-uns des SMS que Mads Andenas a reçus de sa nièce, samedi après-midi, alors qu'elle participait au rassemblement de jeunes partisans du Parti travailliste, sur l'île d'Utoya, en Norvège.
La jeune étudiante en droit de 20 ans est l'une des premières à appeler la police. Elle réchappe à la fusillade en se cachant avec une amie sous un des rochers qui bordent le lac. Le lendemain, son visage effondré, saisi lors de la cérémonie d'hommage aux victimes à Oslo, fait la une du New York Times.
C'est dimanche soir, après cette cérémonie, que Mads Andenas écrit à Rue89 pour témoigner.
« De nombreuses raisons d'avoir honte aujourd'hui en Norvège »
Ancien directeur de l'Institut de droit international et comparé de Londres, Mads Andenas est rattaché à la chaire Vincent-Wright à l'Institut de Sciences-Politique à Paris. Il enseigne aussi le droit à l'université d'Oslo et a perdu l'une de ses étudiantes dans la fusillade.
Quand il reçoit les messages paniqués de sa nièce, il se rend immédiatement avec sa sœur à Utoya et constate « l'amateurisme de la police » :
« Le spécialiste habituel des hélicoptères de la police n'était pas opérationnel à cause des vacances. C'est complètement fou. C'est un tel manque de préparation qu'il y a de nombreuses raisons d'avoir honte aujourd'hui en Norvège. »
Outre l'inaction de la police, Mads Andenas est choqué par les déclarations, juste après le drame :
« Une fois que la police arrête l'auteur [présumé] de l'attentat, on nous explique qu'il s'agit d'une personne isolée. En revanche, s'il avait été question d'un jeune homme avec un nom arabe, il serait devenu immédiatement un membre actif d'une conspiration internationale ! »
D'après Mads Andenas, les services de police et de renseignements auraient dû anticiper le drame :
« C'est inexcusable. Les responsables de la sécurité intérieure ont expliqué à plusieurs reprises qu'il n'y avait aucune surveillance des ailes d'extrême droite. A l'échelle européenne, il y a pourtant des groupes identifiés : ils planifient des actions, des activistes commettent des meurtres en Europe du Nord. On ne peut pas dire qu'ils agissent tous les ans en Norvège, mais ils sont tout de même présents. C'est de la responsabilité du gouvernement de les surveiller et c'est une honte que ça n'ait pas été le cas.
Si les services de renseignements avaient mis plus d'énergie à suivre les mouvement radicaux d'extrême droite, on aurait sans doute évité Utoya. Aujourd'hui, le gouvernement en prend conscience. »
via www.rue89.com