On avait de lui quelques vieilles photos noir et blanc. En boxeur, en jeune avocat au costume croisé impeccable, une raie au milieu du crâne, à Johannesburg, ou encore en rebelle clandestin défiant le pouvoir blanc.
Puis, plus rien, 27 ans d’isolement au bagne de Robben Island, au large du Cap, un quart de siècle au cours duquel Nelson Mandela, l’homme invisible, dont la presse sud-africaine n’avait même pas le droit de publier la photo, est devenu un symbole, mieux, un mythe. Non seulement dans son propre pays, mais dans le monde entier.
J’ai vécu quatre ans en Afrique du Sud, de 1976 à 1980, en plein apartheid, et j’ai vu les yeux des jeunes Noirs briller en prononçant le nom de cet homme qui était déjà en prison à leur naissance.
Lorsque le « mythe » est sorti de prison, le 11 février 1990, le monde entier l’a vu marcher fièrement vers la liberté, le poing levé. Et a eu peur d’être déçu.
Le journal d’Antenne 2, le 11 février 1990L’homme s’est révélé à la hauteur du mythe. Il a su s’élever au-dessus de la vengeance, de l’intérêt partisan ou immédiat, pour sauver un pays qui s’enfonçait dans la guerre civile. Et il a réussi, même si l’Afrique du Sud post-apartheid n’a pas encore surmonté ses immenses problèmes.
De cet homme à la vie accomplie, qui occupe assurément une place à part dans l’histoire, je retiendrais dix éléments, non exhaustifs…
1De sang royal
Nelson Mandela est de sang royal. Et il aurait pu perpétuer la tradition en devenant, comme son père, conseiller du roi des Thembu, un peuple installé au Transkei, dans l’est de la province du Cap.
Son prénom à la naissance en 1918 était Rolihlahla, ce qui signifie au sens figuré « fauteur de troubles »… C’est à l’école qu’on lui attribua le prénom Nelson qui restera le plus utilisé.
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Le jeune Rolihlahla en tenue traditionnelle du Transkei (Archives SABC)
Mais il accéda à l’éducation par le biais des missions protestantes, et sa famille lui permit d’aller à l’université noire de Fort Hare, la première institution d’enseignement supérieur destinée aux Noirs en Afrique du Sud, s’éloignant définitivement de l’ordre traditionnel de la campagne.
C’est à Fort Hare, vivier d’une nouvelle génération de nationalistes noirs, qu’il rencontra Oliver Tambo, son ami pour toujours, et qui dirigea le Congrès national africain (ANC) en exil quand Mandela était en prison.
Dans leur vision rétrograde de l’Afrique, les autorités sud-africaines ont tenté de séduire Mandela en lui faisant miroiter son « royaume » perdu.
« Roi chez lui » plutôt que « roi des Sud-Africains »
Alors qu’il était condamné à la prison à vie, le pouvoir blanc lui a proposé, à plusieurs reprises, de le libérer à condition qu’il renonce à son action politique, qu’il accepte de s’installer au Transkei, devenu un « bantoustan », territoire semi-autonome détaché de l’Afrique du Sud.
Et on lui promettait de l’installer à la tête des Thembu pour que, à défaut d’être le « roi des Sud-Africains », il soit « roi chez lui », dans son village… Inutile
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