Binoclard chétif au menton fuyant et à la poignée de main molle, Heinrich Himmler, qui supportait mal la vue du sang, était loin du surhomme nazi que ses SS prétendaient incarner. Il n’y eut pas dans l’après-guerre parmi les nostalgiques du Reich de «légende Himmler». Sa mort fut aussi médiocre que le reste. Après une fuite organisée avec amateurisme, il fut arrêté par les Britanniques et se suicida avec une capsule de cyanure. «Sa fin semble tout aussi énigmatique que sa carrière au service du national-socialisme», écrit Peter Longerich qui, tout au long des quelque mille pages de cette biographie, ne cesse de s’interroger sur «comment un personnage aussi falot a pu accéder à un niveau de pouvoir aussi exceptionnel, et comment le fils d’une bonne famille de fonctionnaires bavarois catholiques a-t-il pu devenir l’organisateur d’un système génocidaire s’étendant à toute l’Europe ?».
Acharnement. A la différence d’Adolf Eichmann, fonctionnaire zélé et sans état d’âme – «la banalité du mal», comme le résuma la philosophe Hannah Arendt – Heinrich Himmler fut dès le début une figure de proue et un proche collaborateur d’Hitler. A la fin de la guerre, il était juste après le Führer le personnage le plus puissant, contrôlant 3 millions de policiers, 600 000 Waffen SS et une centaine d’entreprises. Tout à la fois ministre de l’Intérieur et général en chef, il régnait aussi sans partage depuis le début du régime sur le système concentrationnaire puis sur les camps d’extermination. Il fut ainsi non seulement l’ordonnateur mais aussi le maître d’œuvre de la Solution finale, l’extermination industrielle de plus de six millions de Juifs, Tziganes et autres «sous-hommes» selon l’idéologie nazie. Sans son perfectionnisme et son acharnement, la Shoah n’aurait probablement pas été tout à fait ce qu’elle fut.
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