Penseur d’Internet, professeur à la New York University, Clay Shirky, en transit entre Davos et New York, a donné une conférence la semaine dernière à l’invitation de Regards sur le numérique (RLSN), le labo de Microsoft. L’opportunité d’interviewer un spécialiste des usages numériques qui vient de publier Cognitive Surplus, Creativity and Generosity in a Connected Age (The Penguin Press). Ce «surplus cognitif», cet excès d’intelligence, de temps et de créativité octroyés par la prospérité, peut s’exprimer, selon lui, via les nouveaux médias.
Votre vision est-elle politique ?
Je la décris habituellement comme citoyenne. Je m’intéresse plus à la manière dont les utilisateurs créent de nouvelles formes de collaborations et à ce que nous pouvons faire collectivement plutôt qu’aux réactions gouvernementales et politiques. Je tente plutôt de décrire les potentialités civiques à l’extérieur du système. La participation comme une forme décentralisée, qui circule des citoyens vers d’autres citoyens, plutôt que gérée par l’Etat ou une entreprise.
Vous dites que les changements surviennent quand une technologie est devenue invisible…
Les outils ne deviennent socialement intéressants que quand ils deviennent technologiquement ennuyeux. Le premier appel téléphonique n’a pas transformé le monde, mais c’est quand suffisamment de gens ont arrêté d’y faire attention que le monde en a été transformé. Il faut du temps pour qu’une technologie soit acceptée par les usagers. Nous commençons à le voir, vous et moi, car nous sommes là encore à nous extasier pour des outils qui paraissent déjà achevés. Les jeunes les prennent pour acquis, nous ne le pouvons pas. Les effets sociaux apparaissent une fois que les technologies se trouvent impliquées dans l’évolution de la société.
Comment envisagez-vous l’avenir de ces outils ?
Il y a plusieurs lignes de force qui permettent de prédire leur futur. Les tablettes seront plus mobiles, plus puissantes. Leur usage sera plus social. Je raconte aux jeunes de 25 ans que, quand j’ai commencé à utiliser Internet au début des années 90, nous parlions de cyberespace. Internet nous apparaissait comme un lieu à part. Nous finirions par nous asseoir sur des chaises spéciales, devant des machines spéciales, avec un W jaune dans le dos pour aller vivre ailleurs. Il traîne toujours ce mauvais réflexe de parler de «on line» et de «off line». Pour les jeunes, c’est totalement mélangé. Ils ne vont pas en ligne, ils utilisent simplement leur mobile. La conversation téléphonique ne se passe plus seulement entre deux personnes, mais à plusieurs. Il n’y a plus ce sentiment si particulier d’être sur Internet. Mais ma cognition sociale s’est élargie. Mon ami Dennis Crowley possède le service Foursquare, un outil pour dire à ses amis où l’on est, et où ils sont. Foursquare donne des superpouvoirs : je peux voir à travers les murs. Je peux me trouver dans la rue et savoir que mes amis sont dans un café. Cette expansion de notre cognition sociale, pas seulement des yeux et des oreilles, est extraordinaire. Elle va s’amplifier.
WikiLeaks et la transparence ?
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