Ils se sont massés comme un seul homme deux heures avant le début de la manifestation place de la République, noire de colère, de révolte, de recueillement. Les plus intrépides ont escaladé la monumentale statue, et chauffe la foule: «Vous êtes qui?» «Vous êtes Charlie», «On n' a pas peur», «La France n’a pas peur». La foule massée entonne les slogans, chante la Marseillaise à tue-tête, observe des minutes de silence. Au pied de la Statue, allégorie de la République, des manifestants déposent encore des bougies, des roses, des tulipes, des croquis des petits mots, comme «Max et Louise sont Charlie». Certains prennent la pose avec leur message. Comme Nora, 48 ans, assistante maternelle «Père mulsuman, mère catholique, je suis humaine».
Cécile, 70 ans, athée, a aussi rédigé son texte: «Vos assassins ont été tués, dormez en paix. On vous aime, je suis Charlie». A ses côtés, Eric, 55 ans, au chômage explique: «Je suis juif. J’espère que les musulmans sont là avec nous. Ils doivent devenir le fer de lance de la république». Fathia, 48 ans, opine: «Je suis venue pour dire que je suis une citoyenne, que je défends le droit, en aucun cas les assassins». Ils sont venus, mélangés, avec leur banderole: «Non au fanatisme», «Touche pas à ma France», «Liberté». Et puis il y a cet enfant qui a fait sa pancarte: «Quand je serai grand, je serai Charlie».
«Maintenant que je suis là, ça va»
Le soleil brille à Paris, une belle journée d’hiver. Parmi les manifestants, beaucoup sont peu habitués des cortèges, et à vrai dire, sont «un peu flippés». Comme Karen, la petite trentaine, prof de sciences physiques dans un lycée de l’Oise, et rencontrée ce matin dans le train qui vient de Chantilly. C’est sa première manif, elle est très impressionnée, avoue avoir peur de la foule, mais avoir eu le sentiment de devoir venir absolument. «Le fait que ce soit des gens qui dessinent, qui ont juste un crayon, ça m’a paru complètement dingue. Alors oui, j’ai peur, très peur, mais je viens quand même.» Lydia, 19 ans, étudiante à Reims, a longtemps hésité aussi. «J’avais un peu peur. Mais ne pas venir, c’était donner raison aux terroristes. Maintenant que je suis ici, ça va. Je suis juste émue de voir tant de monde.»
Place de la République, Françoise, une Parisienne de 58 ans, est venue armée. Une pancarte bricolée avec les dessins de ses petits enfants. «Le plus petit a 18 mois, le grand, 6 ans. Tout au bout, ils ont dessiné un ballon : c’est le monde entier pour eux. Pour dire que toutes les nations doivent être unies, qu’on doit tous se rassembler pour un monde meilleur. Pourquoi tout cela est arrivé ? Les politiques doivent s’interroger sur l’avenir de cette jeunesse qui n’a plus d’espoir. C'est à cause de cela qu'on a basculé dans la violence.»
13h25, sur un praticable réservé aux caméras, Pierre Laurent, le patron du PCF attend de passer sur BFM-TV et se montre soulagé de la réponse du «peuple français». «Le fait nouveau des ces derniers jours aura été l’émergence d’une parole citoyenne, populaire, extrêmement massive», dit-il à Libération. Les personnes présentes dans les rues ont eu envie de chanter La Marseillaise, de crier leur liberté d’expression. C’est une prise de parole pour dire, malgré tout ce qui a été dit avant, on veut vivre ensemble».
Au croisement rue Oberkampf et boulevard Voltaire, on tombe sur Franck. Il n’a rien trouvé de mieux que de venir de Gif-sur-Yvette, dans l’Essonne… en vélo couché . «Ça va pas être pratique» pour la marche. «Acheteur occasionnel» de Charlie Hebdo, il se marre en lisant un numéro de 2004, et notamment une double page sur l’affaire d’outreau.
«Faites l’humour, pas la guerre»
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