Amamou et Amami sont dans un bateau, Ben Ali tombe à l’eau | Rue89

De Tunis) Leurs noms d'abord. Amamou et Amami. Leurs pseudos – slim404 et azyz405 –, leurs clopes, leurs années d'activisme. Leur semaine passée en prison, enfin.

L'un séduisant par sa retenue, l'autre par sa gouaille. L'un a dit « oui » au gouvernement. Pour l'autre, la révolution n'est pas terminée.

Slim Amamou et Azyz Amami, copains, blogueurs, fous d'informatique et de liberté, ne sont plus dans le même camp, mais à peine sommes nous installés dans le bureau de Slim, le nouveau secrétaire d'Etat à la Jeunesse, qu'il nous parle d'Azyz : « Il est trop fort. »

« Je quitte juste Slim, on a déjeuné ensemble », est la première phrase d'Azyz qui, sortant juste d'un bar, nous retrouve dans celui voisin, sur l'avenue Bourguiba.

Ces deux-là ne se connaissaient pas « in real life » il y a un an. Chacun jouissait d'une petite notoriété locale. Azyz auprès des activistes politiques pour son blog satirico-philosophique, Slim, plus technophile, pour son militantisme contre la censure d'Internet.

Contre Ammar 404

Ils ont alors un ennemi commun, Ammar 404. Ce personnage, toujours représenté par un visage démultiplié à l'infini, lunettes noires sous lesquelles on devine un regard mauvais et indispensable moustache de flic tunisien, a symbolisé ces dernières années l'intensification de la censure d'Internet dans le pays.

Ammar 404, un surnom qui évoque à la fois le rural illettré au volant d'une Peugeot 404 bâchée – gros succès de la marque automobile en Tunisie – et le message « erreur 404 » qui s'affichait trop souvent sur les écrans d'ordinateur.

La paranoïa formidable du régime a perdu Ben Ali. La radicalisation de Slim, comme de nombreux jeunes, s'est accentuée autour de 2007.

Le systématisme de la censure à réveillé leur conscience politique alors même qu'ils subissaient moins que les autres l'injustice sociale et économique du système. En bricolant Internet, ils ont rendu possible la diffusion de l'information :

« La censure est un problème éthique. Ce que tu perds en censurant est plus important que ce tu gagnes : on n'avait pas accès à YouTube alors que c'est une source d'information, de culture et d'apprentissage inestimable. Ce qu'ils ont censuré en bloquant YouTube, ce n'était pas que de l'information, c'étaient des outils.

Interdire les outils, c'est carrément freiner l'avancée technologique. Ma propre entreprise en souffrait. Ne pas pouvoir inclure une vidéo, rien que ça, ça nous bloquait parce qu'on créait des usines à gaz pour pouvoir en publier. »

C'est une guerre qui oppose les pirates du gouvernement et ceux de la liberté d'expression. Slim et ses copains technos lancent des sites collaboratifs regroupant tous les blogs interdits et inventent en permanence des outils pour contourner la censure.

En face, la cellule Internet du ministère de l'Intérieur fait travailler des informaticiens suffisamment pointus pour faire bloquer les contenus des sites et les outils même utilisés par la blogosphère pour contourner la censure.

via www.rue89.com

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