Affaire Kerviel : les étranges silences des enregistrements de la Société générale | Mediapart

Cela pourrait s’appeler du remords. Cinq années ont passé depuis le début de l’affaire Kerviel. Deux procès ont eu lieu. L’ancien trader de la Société générale a été condamné en appel, en octobre 2012, à une peine de cinq années de prison, dont deux avec sursis, pour introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé, pour faux et usage de faux en écriture et pour abus de confiance.

 La cour d’appel de Paris a aussi confirmé le montant hallucinant de 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts réclamés par la Société générale, réintroduisant ainsi la peine économique à perpétuité. À titre de comparaison, Jean-Yves Haberer et François Gille, responsables de la faillite du Crédit lyonnais en 1993, qui a coûté plus de 20 milliards d’euros aux contribuables, ont été condamnés en 2005 pour présentation de faux bilans du Crédit lyonnais, à respectivement 18 mois et 9 mois avec sursis, et un euro symbolique au profit de la banque. L’affaire est désormais en Cour de cassation et il faudra peut-être attendre des années avant qu’elle soit définitivement jugée.

 Depuis, la Société générale s’est vite dépêchée d’enterrer l’affaire et de passer à autre chose. Pourtant, certains n’arrivent pas à oublier. L’histoire leur reste comme un petit caillou dans la chaussure : un scrupulus disaient les Romains. Des témoignages de salariés ou d’anciens salariés de la banque, d’autres travaillant dans le monde de la finance, continuent d’arriver au cabinet de son avocat, Me David Koubbi, pour raconter ce qu’ils ont vu, ce qu’ils n’ont pas pu ou osé dire à l’époque ou certaines pratiques de la Société générale et du monde financier.  

 « Pourquoi ce mail : dégoût. De voir que pour des principes d’images, la Société générale s’acharne contre un homme, de voir que la SG aurait pu réagir à temps à l’époque et n’a rien fait, d’avoir travaillé comme un taré sur l’après Jérôme Kerviel pour voir un procès aussi pipo que celui-là », écrit un ancien auditeur. Celui-ci rapporte qu’il était chargé du contrôle des risques opérationnels à la banque à l’époque et dit avoir alerté sa hiérarchiesur le problème du desk delta one (celui de Jérôme Kerviel) plusieurs mois avant l’affaire.

 

Pour eux, les procès de Jérôme Kerviel ont été inéquitables. La réalité ne peut correspondre à la version des faits racontée  par la banque et qui a été retenue par les juges. Jérôme Kerviel est certes coupable, comme il l’a reconnu, d’avoir pris des positions spéculatives démentielles – « une folie », comme il l’avoue aujourd’hui –, aboutissant à 50 milliards d’euros de paris sur les marchés le 18 janvier 2008.

Mais l’histoire de Jérôme Kerviel, pour eux, ne peut se résumer à celle d’un trader fou dont la banque aurait été victime, sans jamais rien voir. La Société générale ne peut avoir tout ignoré de ses agissements, n’avoir rien vu, rien entendu pendant près de trois ans. Trop de silences, d’opacités, d’incohérence entourent les gestes de la banque, qui a repris tout au long du procès la ligne de défense adoptée par Arnaud Lagardère lors de l’affaire du délit d’initiés d’EADS : « incompétente plutôt que malhonnête. »

« Mais qui veut reparler de l’affaire Kerviel ? Ce procès et son verdict arrangent tout le monde. La Société générale, le monde bancaire français, les autorités de contrôle, l’oligarchie de l’inspection des finances, tout le monde s’en est très bien sorti. À part Jérôme Kerviel, bien sûr. Mais lui ne fait partie d’aucun réseau qui compte. Personne n’a envie de rouvrir le dossier »

via www.mediapart.fr

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