Plusieurs professionnels de la banque ou de la finance, à qui Mediapart a décrit les mécanismes utilisés, classent sans hésiter cette multitude d’opérations parmi les cas probables de blanchiment d’argent et de fraude fiscale. Autant d'opérations qui ont pourtant été tolérées en toute connaissance de cause par le bureau monégasque de cette banque basée à Genève, filiale à 100 % du Crédit Mutuel-CIC, et dont nous avons déjà raconté les dérives dans le choix des clients et dans la gestion de ses dirigeants eux-mêmes.
Afin de documenter les pratiques ayant eu cours au sein de Pasche Monaco, Mediapart recense ici plusieurs cas hautement douteux, tels qu’ils apparaissent dans les comptes internes de la banque. Des cas pour lesquels, selon nos informations, les procédures classiques de contrôle des risques n’ont pas été appliquées avec rigueur : les explications nécessaires n’ont été exigées aux clients ni pour connaître l’identité réelle des donneurs d’ordre, ni pour s’assurer de l’origine et de la destination des sommes transitant par les comptes, ni pour vérifier l’objet économique exact des transactions.
« D’une manière globale, l’ensemble de ces opérations sont caractéristiques du monde du off-shore, analyse un banquier, ancien dirigeant d’agence en France et bien au fait des problématiques de gestion de fortune. Mélanger des flux de cash, en passant par des sociétés-écrans situées dans des paradis fiscaux ou en multipliant les opérations de dépôts et de retraits, n’a qu’un seul objectif : brouiller les pistes pour complexifier les contrôles et les vérifications. Le but est de créer un véritable écran de fumée pour anonymiser les vrais bénéficiaires économiques. »
Ces révélations sont embarrassantes pour Pasche Monaco (dont le Crédit Mutuel s’est séparé en catastrophe en novembre 2013) : depuis l'été dernier, ses pratiques sont au cœur d’une information judiciaire sur le Rocher pour des faits de « blanchiment ». Les investigations ont depuis été élargies, à la demande du juge d’instruction Pierre Kuentz, à des « omissions de déclarations de soupçons de blanchiment » auprès des autorités de contrôle, au regard du nombre étourdissant de transactions suspectes opérées par la banque depuis des années.
Contactés comme pour les deux premiers volets de notre enquête, ni la banque, ni ses dirigeants de l’époque, n’ont donné suite à nos demandes d’explication (lire l’intégralité de nos questions dans l’onglet Prolonger). Seul Jürg Schmid, dirigeant de Pasche Monaco à l'époque, nous a répondu, dans un court message : « Je me contenterai de vous indiquer que je n’ai jamais été convoqué , à ce jour, par la justice comme par la police, pour répondre à la moindre question concernant mes fonctions au sein de la Banque Pasche. Vous comprendrez dès lors que je n’entende pas répondre ou me justifier auprès de vous. Sachez simplement que je déplore d’être mis en cause de manière totalement infondée et inacceptable. »
via www.mediapart.fr