"Nous sommes arrivés
au but. La révolution allemande commence ". Cette phrase, prononcée
par Goebbels le 30 janvier 1933, marque le triomphe du nazisme et la liquidation
de la république parlementaire allemande . Hitler venait juste de
se faire nommer au poste de chancelier de la république. Jamais
aucun mouvement politique n’aura aussi rapidement et radicalement remis
en cause les acquis démocratiques et sociaux d’un peuple dans sa
totalité.Aucun mouvement ne parvint autant
que le nazisme, dans un temps extrêmement court, à mettre
sous contrôle une société entière, à
y supprimer toute forme organisée de contestation, à pénétrer
dans les consciences de chacun pour y tenter d’extirper les idées
les plus simplement démocratiques. " Le nazisme fait le vide autour
de lui, laisse le vide derrière lui ", écrivait Daniel Guérin
dans La peste brune. (Petite collection Maspéro, Paris)L’ambition de cet article est de
répondre à cette question : comment un des régimes
les plus démocratiques d’Europe, la république de Weimar,
dont les acquis sociaux étaient considérables et soutenus
par un salariat puissamment organisé, a-t-elle pu basculer dans
la barbarie totalitaire ? La prise de pouvoir par Hitler était-elle
ou non inévitable, aurait-elle pu être stoppée à
temps ?Il a souvent été dit
que la prise du pouvoir par Hitler était une conséquence
inéluctable de la situation allemande du début des années
1930, marquée par la crise économique et la montée
du chômage et de la misère. L’objet de cet article est justement
de montrer que l’enchaînement des événements qui ont
conduit à la victoire de Hitler contredit cette vision mécaniste
et fataliste de l’histoire.Une autre thèse largement
répandue explique que la victoire des nazis aurait été
permise par le fait que le nazisme était une composante du caractère
national allemand. Cette thèse avance le fait que l’antisémitisme
était largement répandu en Allemagne, ainsi qu’un sentiment
nationaliste et pangermaniste très fort, et que les nazis n’ont
fait que cultiver ce sentiment pour arriver au pouvoir. Le fameux livre
"Les bourreaux volontaires de Hitler" de Daniel Goldhagen a récemment
soutenu une thèse similaire.Nous chercherons plutôt
l'explication de l’arrivée au pouvoir d’Hitler dans l’évolution
de la société allemande, non de sa mentalité, mais
des rapports de force fondamentaux autour desquels s’organisent l’équilibre
des pouvoirs politiques et socio-économiques. Nous montrerons qu’il
existait en Allemagne des forces et des organisations qui avaient la capacité
de stopper Hitler, et que ce sont justement les échecs et les erreurs
de ces organisations qui ont permis aux nazis de prendre le pouvoir.Pour se représenter à
quel point la victoire des nazis n’était pas inévitable,
il faut se plonger dans les quelques semaines qui ont précédé
la nomination de Hitler comme chancelier de la république, le 31
Janvier 1933. Au tout début du mois de janvier, les nazis étaient
dans une situation défavorable : ils perdaient des voix aux élections,
et étaient divisées sur la stratégie à suivre.
Certains voulaient une alliance avec la droite conservatrice, d’autres
au contraire des actions violentes et une insurrection populaire. Le parti
nazi se paralysait de plus en plus, de nombreux militants rendaient leur
carte. Hitler déclarait alors à Goebbels : " Si le parti
devait s’effondrer, je me tirerais une balle dans la tête dans les
trois minutes "1.Les partis de gauche également
ont sous-estimé jusqu’à la fin le
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