L'Action Littéraire a ici publié le texte de Wilfried Salomé, auteur-artiste-chaman, adressé à des "Intellectuels", français, morts-vivants. Mais de qui parle t-il et parlons-nous ? Les "intellectuels", au sens strict et littéral du terme, ce sont tous ceux qui, ayant un intellect, s'en servent (moins donc ceux qui ne s'en servent pas), et, donc, c'est tout le monde. Mais dans la France de tous où les distinctions sociales, de gré ou de force, sont structurantes et multiples, où ceux qui s'auto-qualifient de tels Intellectuels, se distinguent de ceux qui ne le seraient pas, il faut donc regretter le peu de sens dialectique chez ces Intellectuels qui valident cette définition réductrice, dans la mesure où il ne peut y avoir, physiquement, comme économiquement, socialement, de séparation, avec le "manuel", "les manuels", tous les intellectuels étant des intellectuels-manuels et tous les manuels étant des "manuels-intellectuels", sans compter que nos chers intellectuels ont leurs manuels-bréviaires à leur chevet. S'ils sont tous, de qui parle, Wilfried Salomé ? S'ils ne sont pas, …, la question est la même. Qui, quoi, où, quand, comment, … ? C'est qu'il n'y a pas eu sous tous les Cieux et à toutes les époques, ces êtres, les "Intellectuels". Voyons maintenant, au regard du passé. Maintenant, ce sont des individus : ils sont des noms-marques. Il y a ceux qui vendent des livres à la tonne. Mais parfois, ces vendeurs, on ne les voit, entend jamais. D'autres qui alternent, allient, livres et expressions publiques, aidés en ce sens par des colporteurs et des colportages, des crieurs qui, désormais, machines, crient "voici le dernier discours" d'untel. On préférera dire "untel", plutôt que de donner des noms colportés partout, lessivés, décrédibilisés, et, pourtant, bénéficiant de multiples crédits, au sommet. Il suffit d'évoquer leurs ombres, et ils seront socialement reconnus. Il y a l'éternel adolescent à la chemise blanche, où rien ne change, ni la chemise, jamais froissé, ni la peau du sieur, jamais plissé, ou presque. C'est un Torquemada libertin-libertaire. Il tutoie les "grands-de-ce-monde" si petit. Il y a l'enragé académique, qui éructe quand il s'agit de stigmatiser. Mais comme la liste de ces ombres est trop longue, abrégeons nos souffrances. Quelle(s) fonction(s) assurent-ils ? Ce sont les rois du jugement social, celui qui est répété, celui qui est "nouveau". Pourquoi jugent-ils ? Ils sont là pour vous "conseiller" : moutons du troupeau, ne vous trompez pas de chemin. Sont-ils les seuls à juger ? Non, ils partagent ce "droit" et ce "fait", avec des juges "professionnels", ceux qui établissent nos lois, ceux qui les expliquent et justifient, ceux qui encadrent les troupeaux humains. Il y a des siècles, on les appelait des "prêtres", et à notre époque, des "clercs" ou, dans une dimension critique, des chiens-de-garde. De cette clique dont la parole claque partout, Wilfried Salomé les met dans un même sac, et les envoie par le fond. De "l'intelligence" censée être à l'oeuvre dans l'intellectualisme, il dénonce une simple copie de la parole des Maîtres. Mais pourquoi les Intellectuels devraient nécessairement être… intelligents et bons ? Pourquoi l'Intellect ne serait pas, au contraire, la source la plus sûre des horreurs et des vides ? Et pourquoi faire contre ces Intellectuels ce qu'ils passent leur temps à faire, juger ? C'est qu'il faut sans doute qu'il y ait des voix pour les contredire. Sinon, la cité semble déserte et désertée, avec ces rhéteurs. Pourquoi les contredire ? Serait-ce que les principes et les valeurs, universels, et auxquels ils se réfèrent, sont, par eux, ignorés, bafoués, si tant est que ces principes et ces valeurs ne soient pas seulement des outils stratégiques d'un pouvoir machiavélique ? "La vérité" a t-elle, sur nous, un empire et des exigences ? Et pourquoi ces Intellectuels seraient des "morts-vivants" ? S'ils sont symptomatiques, c'est que cette mort en lieu et place de la vie est la loi de nos cités. Cela peut se défendre, cela peut se prouver – mais encore faut-il le faire, clairement. Et nous, comment ne pas être atteint par cette fatalité si populaire ? Plutôt que de comparer et de se comparer, ne faut-il pas être, faire et dire, tel que nous l'entendons ? Il faut abandonner la métaphore. Dans ce pays sinistré où l'être-soi est réduit à la distinction des autres, il ne faut plus accepter ces lois sociales qui sont aussi des lois psychologiques, morales, qui nous tétanisent. Oui, le pavé est tenu par des néo-sophistes. S'agit-il d'en être un aussi, par négation abstraite ? ! Si nous connaissons notre Histoire, nous savons que le vrai dialogue intérieur et avec nos frères et soeurs de constitution est l'essentiel, et ouvre le chemin des constructions durables. Il n'y aura pas de dialogue avec les néo-sophistes, parce qu'ils le fuient. Leurs monologues sont à l'image de ceux de leurs maîtres, lesquels n'entendent jamais les peuples leur répondre. Ils prétendent imposer partout leur voix. Telle est réalité, selon eux. Nous, nous ne sommes pas des figurants d'une émission de télévision, des intermittents de LEUR spectacle. Et pour cela, il faut reconquérir une parole libre, travail permanent. Allez, Wilfried, libère toi, vraiment, de ces poupées maudites qui imitent la vie quand elles sont la mort. Parlons-en. Et pour cela, ne soyons pas des "Intellectuels", autrement dit, des individualités individualistes qui pensent être singulières, originales, et apporter au monde, seul(e), "la" vérité et "la" solution.
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